Inès, lycéenne et militante : "J’aime défendre les autres"
ParMaria Poblete,publié le 22 Janvier 201810 min
Inès milite au sein d’un syndicat lycéen : la FIDL (Fédération indépendante et démocratique lycéenne). Son engagement pour une éducation sans sélection et la démocratie lycéenne la rend heureuse. Un combat mené avec joie et passion.
J’avais 13 ans, quand j’ai manifesté pour la première fois. C’était lors de la grande marche nationale après les attentats terroristes contre "Charlie Hebdo" et l’Hyper Cacher, à Paris. J’y suis allée avec mes parents, des amis, et nous avons marché tous ensemble. Je me sentais très concernée par ce qui se passait, l’atteinte à la liberté d’expression et à la démocratie. Ce jour-là restera gravé dans ma mémoire. J’ai découvert que les manifestations pouvaient être des moments de rencontres : on parle à tout le monde. Certes, on se crée des amis momentanément, mais ce sont des rencontres fortes et vraies. On se tutoie, on est proches, on est réunis pour un même combat. J’ai adoré.
J’ai aussi compris que si un individu est seul, triste et qu’il en a marre des injustices, rien n’est perdu. Il peut rejoindre d’autres personnes un peu comme lui, et faire partie d’un groupe. Même avec nos différences, nous trouvons toujours un terrain d’entente. J’ai compris que nous avions les moyens de changer les choses, mais pas tout seul.
"J’ai adhéré au syndicat et j’ai été élue au conseil de la vie collégienne"
Lorsque j’étais au collège, j’avais vu le film "Merci patron", puis je m’étais renseignée sur la loi Travail. J’ai participé aux manifestations. La première fois, j’y suis allée toute seule. Et comme je ne connaissais pas grand monde, j’ai défilé dans le cortège des jeunes, sous la banderole de la FIDL, le syndicat lycéen. Puis, je suis passée au siège. J’ai discuté avec eux, je me suis renseignée sur l’histoire du mouvement et j’y ai adhéré !
L’année suivante, j’ai été élue au conseil de la vie collégienne, une instance qui donne la parole aux élèves pour améliorer leur vie. J’ai mis en place un mur d’expression. Il y avait des grandes affiches blanches avec des titres : homosexualité, racisme, sexisme. J’ai acheté 1.500 post-it que j’ai mis à disposition des élèves et, pendant la pause déjeuner et les récréations, ils écrivaient le premier mot qui leur venait à l’esprit. Une centaine de collégiens se sont exprimés. C’était extra. J’ai donné beaucoup d’énergie, de temps, j’ai raté des cours pour m’en occuper. Et j’étais heureuse du résultat.
"Au lycée, j’ai accepté le poste de secrétaire générale du syndicat"
Cette année, en seconde, on m’a proposé d’intégrer le bureau national. Je suis secrétaire générale. Concrètement, cela veut dire que je coordonne tout au niveau national : j’appelle régulièrement les responsables des comités des villes, dans toutes les régions. Je les aide à mettre en place la distribution des tracts, la diffusion des informations, l’organisation des assemblées générales, la participation aux rassemblements.
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"Je n’ai jamais eu peur de parler en public… et de revendiquer"
J’ai rapidement accepté de prendre des responsabilités. Je n’ai jamais eu peur de parler en public, de dire ce que je pense, de revendiquer. Mais je ne suis pas une adolescente rebelle ! Je travaille sérieusement, je fais mes devoirs et mon violon, que je pratique depuis l’âge de 8 ans.
Je ne pense pas vraiment faire de la politique. Je ne milite pas dans un parti. C’est sûr, je me renseigne sur les réformes mais nous pouvons tous venir d’horizons politiques différents. Ce qui m’importe, c’est de donner la parole aux lycéens.
En ce moment, la sélection à l’entrée de l’université, c’est un sujet qui me touche. Je suis contre cette sélection ! Nous avons tous le droit d’étudier à la fac comme nous le souhaitons. Le droit à l’éducation est un droit fondamental ! S’en remettre aux avis du conseil de classe pour poursuivre dans telle ou telle voie, c’est scandaleux. En février ou en mars de l’année de terminale, certains ne savent toujours pas la voie qu’ils choisiront. En six mois, on sait bien qu’un élève peut évoluer énormément.
"Je dirais que militer contribue à la réussite scolaire"
Je ne saurais pas dire le temps que je consacre chaque semaine à cette tâche : cela dépend des mobilisations. C’est variable : plusieurs heures, notamment le week-end lorsque nous avons des réunions ou des assemblées générales. Les réunions me plaisent beaucoup, je rencontre des personnes que je n’aurais pas forcément abordées. Ces échanges sont très constructifs. Et on s’amuse, il y a une super-ambiance ! Si j’étais opportuniste, je dirais que militer contribue à la réussite scolaire. Je m’intéresse à tout et je me sens concernée par les problèmes de société. Je fais des liens entre les apprentissages et notre vie, notre place de citoyens, les événements historiques, la situation économique.
Une autre expérience est l’exercice de la synthèse ! Organiser des réunions, élaborer des ordres du jour, entendre les autres, noter, puis rédiger des comptes rendus… Tout cela m’aide à structurer mes idées. Me renseigner sur les réformes et les projets me pousse à réfléchir. J’essaie toujours d’aller plus loin, des questions en amènent d’autres, et ainsi de suite. Je crois que je commence à avoir une vision globale. Je perçois les choses différemment et je tente de voir en quoi nos propositions peuvent changer la vie des gens. J’aime défendre les autres ! De plus, prendre la parole en public et être clair et synthétique représentent, bien sûr, des atouts pour l’oral. Plus on parle, plus on progresse. Je le conseille à tous.
"Mes parents et mes professeurs ne m’ont jamais freinée"
Parfois, les élèves pensent que s’engager dans un mouvement va les mettre en difficulté avec leurs parents ou leur lycée. C’est l’inverse. Si on est un peu organisé, il n’y a aucune raison d’avoir peur de militer. Mes parents m’ont toujours encouragée ou du moins jamais freinée. Ils acceptent que je m’absente de la maison pour mes réunions, que je me couche parfois un peu tard. Tout est dans la mesure. Ils voient que j’arrive à mener toutes mes activités de front. Du côté des enseignants, certains sont vraiment derrière moi ! La direction également. Quand je dois distribuer des tracts, demander une salle pour une AG et l’annoncer en début de cours, il n’y a jamais eu de refus.
On me demande parfois pourquoi je ne suis pas déléguée de classe. J’ai une idée très arrêtée sur cette question. Je pense que les délégués sont indispensables à la vie d’un établissement… mais je regrette que leur rôle soit si limité. On ne les entend pas toujours en conseil de classe quand ils demandent des aménagements, qu’ils critiquent certaines méthodes. Moi je veux aller plus loin !"
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