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Critique : À ciel ouvert Dossiers industrie Interviews

- Le nouveau film de Charlie Petersmann nous permet de jeter un oeil sur les coulisses d’un chantier pharaonique qui semble engloutir tout et tous

Cinq ans après Deltas, Back to the Shores, sélectionné à de nombreux festivals de cinéma dont Visions du Réel à Nyon, DOK.fest à Munich et le Festival du documentaire de Thessalonique, Charlie Petersmann revient aux Journées de Soleure pour y présenter son nouveau long-métrage, À ciel ouvert, en lice pour le prestigieux Prix de Soleure.

Que signifie être un homme, un "vrai", à l’intérieur d’un microcosme comme celui du monde ouvrier ? Comment faire pour concilier sa vie privée avec la rigueur d'un travail qui considère le corps comme une machine ? Avec À ciel ouvert, Charlie Petersmann nous fait pénétrer les dédales d’un gros chantier en Suisse romande, un projet pharaonique qui se développe sous nos yeux. Grâce au regard incisif et esthétiquement puissant de Petersmann, les "travailleurs de l’ombre", pour la plupart étrangers, prennent le devant de la scène, une scène qu'ils observent généralement des coulisses.

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En dépit de leurs compétences incontestables et d'une résistance héroïque à la fatigue (dans notre société hétéronormative patriarcale, un "vrai mec" n'a pas censé éprouver douleur ou désarroi), les ouvriers sont souvent étiquetés comme des travailleurs de seconde classe, des corps plus que des cerveaux. "Tous les jeunes, en Suisse, ont l'ambition de travailler dans des bureaux ou à la banque ; ils n’aiment pas les travaux pénibles – pour ça, il y a nous, les immigrés", explique un des ouvriers du chantier, comme pour nous rappeler que seuls ceux qu’on considère comme socialement inférieurs doivent se salir les mains. Grâce aux témoignages de gens qui ont fait de ce travail rude et exigeant leur quotidien, on mesure l’importance de ces "hommes de l’ombre".

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Beaucoup d’entre eux ont choisi ce métier par orgueil et pas seulement par nécessité, un orgueil qui transpire de masculinité virile brandie comme un étendard. En effet, ce qui frappe en premier lieu dans le documentaire de Petersmann, c'est l'omniprésence de personnages masculins qui, de tous les stéréotypes liés à leur sexe, ne font qu'une seule bouchée. Leurs conversations faussement superficielles sur leurs copines, sur la fatigue d’un travail qui met jour après jour leur corps à rude épreuve, ou encore sur un passé difficile qui brûle comme le feu (prison, guerre, nécessité de dormir dans sa voiture pour cause de précarité...) nous permet de voir les limites de cette intégration silencieuse.

Qu’est-ce que ça veut dire, être des hommes ? Quelles sont les obligations (et pas seulement les indéniables privilèges) qui se rattachent à un sexe, le sexe masculin, qui s’est approprié avec arrogance une virilité qu'il croit sienne de droit ? À ciel ouvert est un film qui redonne dignité et parole à des humains convaincus de ne pas mériter les feux de la rampe, mais aussi le portrait doux-amer d'hommes victimes des stéréotypes liés à leur sexe. À cet égard, le documentaire contient une scène intéressante et forte où l'on voit un des personnages s'occuper de son jardin. Le réalisateur s’arrête, à travers des gros plans audacieux, sur les mains marquées par le travail de cet homme de l’ombre, des mains qui peuvent servir d’outils de travail, mais aussi se transformer en maison éphémère pour une coccinelle. Petersmann nous montre l’arrière-scène non seulement d'un chantier, mais aussi d'hommes qui, parfois, laissent un instant, bref et fugace, tomber le masque viril qu'ils se croient obligés de porter de manière pérenne pour être acceptés, ou simplement pour donner un sens à leur existence.

À ciel ouvert a été produit par Mnemosyn films (Genève) et RTS (Radio Télévision Suisse).

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(Traduit de l'italien)

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