TOUT COMPRENDRE - Droits de succession: ce que proposent les candidats à l'élection présidentielle
Faut-il alléger la fiscalité sur l'héritage pour redonner du pouvoir d'achat ou au contraire la renforcer pour réduire les inégalités? Le débat fait rage entre les candidats. Voici les enjeux et les propositions.
C'est un sujet brûlant qui pourrait bien devenir un des enjeux de la campagne présidentielle: les droits de succession divisent les candidats à la présidentielle. Tour d'horizon des propositions.
• A quoi servent les droits de succession?
S'il est impôt qui fait l'unanimité contre lui, c'est bien celui sur l'héritage. Dans un récent sondage réalisé par OpinionWay-Square pour Les Echos et Radio classique, 81% des Français se disent favorables à une baisse de l'impôt sur les successions. Paradoxalement, l'étude montre aussi que les Français sont plutôt mal informés sur les règles en vigueur.
Et sur les enjeux actuels car la France a changé. D'une société "sans héritier" au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, le pays est redevenu au fil des années un pays de transmission: "La part de la fortune héritée dans le patrimoine total représente désormais 60 % contre 35 % au début des années 1970", soulignait une récente note du Conseil d'analyse économique (CAE). De cette trajectoire découle un "renforcement des inégalités patrimoniales fondées sur la naissance et dont l’ampleur est beaucoup plus élevée que les inégalités observées pour les revenus du travail."
En clair, l'héritage est un marqueur important de la richesse qui sape l'égalité des chances. "Le patrimoine hérité est redevenu le déterminant fondamental pour atteindre le haut de la distribution des niveaux de vie" conclut le CAE.
Les droits de succession sont ainsi devenus, dans les pays industrialisés, une variable d'ajustement pour redistribuer le patrimoine des plus riches au plus démunis. Mais pour ses opposants, c'est une taxe qui décourage la réussite et les succès.
• Quelle est fiscalité en vigueur en France?
Fidèle à son habitude, la France a mis en place des règles fiscales complexes où les abattements et exemptions s'additionnent pour accoucher d'un système confus. Sans surprise, le pays affiche des taux d'imposition élevés, en comparaison aux autres pays.
Schématiquement, un barème progressif est appliqué sur la succession avec un taux qui débute à 5% (pour une transmission inférieure à 8072 euros) et peut grimper jusqu'à 45% pour les plus gros montants (au-delà de 1.805.677 euros), voire 60% lorsque le lien avec le parent est éloigné.
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— mindbodygreen Wed Oct 12 21:01:13 +0000 2016
Mais des abattements et exonérations tempèrent ce régime. Par exemple, la transmission entre un parent et un enfant est défiscalisée jusqu'à 100.000 euros, ce qui exempte une bonne partie des transmissions. "Mais ces exonérations bénéficient surtout aux plus grandes transmissions", abonde le CAE dans sa note.
De quoi créer des crispations et remettre, une nouvelle fois, la question de la succession sur la table électorale.
• Que proposent les candidats de gauche?
A gauche, Fabien Roussel (Parti communiste français) a récemment plaidé la suppression de toute taxation "en dessous de 118.000 euros", ce qui correspond au montant moyen d'un héritage en France. Dans les faits, c'est pratiquement le cas entre parents et enfants mais le candidat souhaite l'élargir à tous les descendants. Au-dessus de cette somme, il annonce "un impôt progressif et effectivement un impôt plus élevé sur les patrimoines les plus élevés".
De son côté, Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) plaide pour un statu quo pour la plupart des héritages mais propose de s'attaquer aux très gros montants. "Je propose de toucher aux 0,01% des gens qui touchent plus de 12 millions d'euros" expliquait-il sur RTL. "Au-delà de 12 millions d'euros, je prends tout." Une proposition qui risque de se heurter au Conseil constitutionnel qui a déjà jugé qu'un impôt excessif était "confiscatoire".
Dans son programme, Anne Hidalgo entend abaisser la fiscalité des successions "pour 95 % des Français" (probablement avec un seuil d'exonération à 300.000 euros pour les enfants) tout en augmentant les impôts sur les successions "pour les très hauts patrimoines" évoquant un montant supérieur à 2 millions d'euros.
Yannick Jadot entend élargir l'abattement de 100.000 euros destiné aux transmissions directes aux enfants à tous les héritiers. Mais cet abattement ne s'appliquera qu'une seule fois dans la vie et non tous les 15 ans. "Les niches fiscales seront passées en revue, et, pour certaines, supprimées", indique par ailleurs son entourage à Libération.
Christiane Taubira n'a pas encore dévoilé ses intentions.
• Que proposent les candidats de droite?
A droite, Valérie Pécresse promet de "supprimer les droits de succession pour 95 % des Français", a-t-elle expliqué sur BFMTV. Chaque enfant pourra hériter de 200.000 euros de manière défiscalisée tandis que l'abattement sera porté à 100.000 euros pour une transmission indirecte, par exemple dans le cas où "une personne hériterait de son oncle ou de sa soeur".
En parallèle, elle propose un "choc de transmission de patrimoine" avec des donations de 100.000 euros défiscalisées "tous les six ans" pour les parents/enfants mais aussi grands-parents/petits enfants ou frères/sœurs. Une manière de transmettre son héritage de son vivant…
La candidate du Rassemblement national Marine Le Pen entend supprimer les droits de succession sur les biens immobiliers "jusqu'à 300.000 euros". "L'immobilier, c'est l'enracinement. C'est ce qui fait que les Français sont, en étant propriétaires d'un patrimoine immobilier, enracinés dans leur pays", a déclaré la candidate RN sur RTL.
Eric Zemmour qui souhaite supprimer les droits de succession sur les transmissions d'entreprises familiales, propose aussi de défiscaliser les dons jusqu'à 200.000 euros, tous les dix ans pour les parents et grands-parents. Il ne s'est pas encore prononcé sur les droits de succession.
• Emmanuel Macron va-t-il faire des propositions?
Le président de la République, s'il n'est toujours pas en campagne, sonde le terrain sur ce sujet. Dans sa fameuse interview donnée au Parisien, Emmanuel Macron est revenu sur la question en plaidant pour une "transmission populaire". "Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu’il faut augmenter les droits de succession à tout-va, au contraire", expliquait-il sans donner plus de détails. Son ministre de l'Economie Bruno Le Maire se montre un peu plus clair, sur LCI: "Si vous transmettez à un neveu que vous aimez beaucoup, ou à une nièce, la fiscalité est extrêmement élevée, elle est très pénalisante", constate-t-il soulignant qu'en ligne directe, "la fiscalité reste raisonnable."
Thomas Leroy Journaliste BFM Business
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