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Anne-Marie Trudeau, PDG de Trudeau Une femme pour diriger la 4e génération

Peu d’entreprises familiales québécoises réussissent à réaliser le transfert de leur propriété au-delà d’une deuxième génération, mais certaines exceptions arrivent même à franchir le cap de la quatrième génération. C’est le cas du concepteur et distributeur de produits de cuisine et des arts de la table Trudeau, où Anne-Marie Trudeau vient de prendre la relève de son père Robert pour poursuivre la croissance du groupe, amorcée en 1889 par son arrière-grand-père Joseph-Arthur. La PDG nous explique ses ambitions, et son père nous raconte l’histoire de Trudeau.

Publié le 5 oct. 2021Jean-Philippe Décarie La Presse

Q. Vous êtes PDG de Trudeau depuis quatre ans maintenant et votre père vient de vous transférer la propriété du groupe qui existe depuis 130 ans. Racontez-nous le cheminement qui vous a conduite où vous êtes rendue.

R. Anne-Marie : J’ai rejoint l’entreprise il y a 23 ans après avoir travaillé pour une firme de logiciels où j’étais responsable des ventes. Mon père avait fixé trois critères pour que ses enfants puissent travailler dans l’entreprise. Il fallait avoir 30 ans, détenir un diplôme universitaire et accumuler une expérience de travail. C’était très avisé.

J’ai occupé différentes fonctions chez Trudeau, dont la responsabilité des produits pour enfants. On avait obtenu les licences de fabrication de Disney pour les produits de cuisine – assiettes, tasses, thermos, boîtes à lunch… – pour le Canada et l’Europe. On développait les produits et je m’assurais que nos spécifications soient bien suivies par nos fabricants en Asie ou en Europe. Je faisais le lien entre eux et nos clients. En décembre 2017, je suis devenue PDG du groupe, et je suis maintenant la propriétaire.

Q. Le processus de transfert de propriété vient tout juste d’être terminé. C’était important que l’entreprise demeure dans la famille ?

R. Robert : Au cours des années, j’ai eu de nombreuses offres de compétiteurs, mais je tenais à ce que la propriété reste québécoise. Dès que j’ai pris la direction de l’entreprise, en 1967, je me suis entouré d’un conseil d’administration pour bien encadrer mes décisions.

Anne-Marie Trudeau, PDG de Trudeau Une femme pour diriger la 4e génération

Et c’est le conseil d’administration qui a jugé avec moi qu’Anne-Marie était la meilleure personne pour prendre le contrôle de l’entreprise. Je suis vraiment très fière que ma fille poursuive ce qu’on a bâti au fil des ans.

Q. Parlons un peu de la création de Trudeau, en 1889. Comment tout cela est né et s’est développé au fil des ans ?

R. Robert : C’est mon grand-père, qui était comptable, qui s’est associé à un Français qui s’appelait Genin et qui importait des accessoires de fumeurs, comme les pipes Saint-Claude, et des articles religieux. Mon grand-père a repris l’entreprise lorsque M. Genin est mort en 1919. Mon père a pris la relève, mais il est mort jeune, à 53 ans, en 1961. Ma mère m’a demandé plus tard de prendre la direction de l’entreprise, ce que j’ai fait à partir de 1967.

J’ai passé 50 ans à transformer l’entreprise, à élargir la gamme de nos produits et notre réseau de distribution. Ç’a été les cendriers en cristal, les portefeuilles, des bracelets de montre, puis les articles de cuisine, dont les bols à salade en bois que j’importais d’Espagne, puis du Japon.

J’ai toujours cherché la différenciation, et c’est pourquoi on a commencé à designer nos propres produits et à les faire fabriquer en République tchèque, puis en Pologne et ensuite en Asie.

Dans les années 80, je me suis résolument tourné vers les articles de cuisine, c’est la pièce la plus fréquentée de la maison. Puis, on a pris le virage international et bâti la marque Trudeau.

Q. On voit les produits Trudeau partout. Dans les grands magasins comme les boutiques spécialisées. Et cela va des ensembles à fondue aux poivrières, en passant par les verres à vin ou les moules à muffins. La marque Trudeau chapeaute combien de produits ?

R. Anne-Marie : On a 2000 produits en stock dans nos entrepôts de Boucherville et de Chicago qui sont tous commercialisés sous la marque Trudeau. On a des produits emblématiques comme nos moulins à épices ou nos ensembles à fondue, mais notre force, c’est l’exécution et la satisfaction de nos clients.

Chaque année, on sort ou on adapte 200 nouveaux produits qui sont développés par notre équipe de designers à notre siège social de Boucherville ou par des contractuels. Présentement, ce sont nos moules à muffins en silicone qui font un malheur.

Plus de 80 % des produits de marque Trudeau tournent autour des arts de la table, l’autre 20 %, ce sont surtout des articles comme des contenants pour emporter.

Q. Vos produits sont largement distribués à l’extérieur du Canada. Quelle est l’étendue de votre réseau ?

R. Anne-Marie : On est distribués dans plus de 16 000 points de vente en Amérique du Nord. Notre plus gros client reste Costco, suivi de Target aux États-Unis. On retire environ 40 % de nos revenus de nos ventes au Canada, 40 % aux États-Unis et 20 % dans une quarantaine de pays à travers le monde, principalement en Europe, en Amérique latine et en Asie.

Nos produits sont vendus chez Carrefour en France comme chez Walmart aux États-Unis, mais on a aussi une forte présence dans les boutiques spécialisées dans les arts de la table.

Q. Vous faites fabriquer vos produits en Asie et en Europe. Est-ce que vous avez des bureaux là-bas ?

R. Anne-Marie : On a des représentants à Hong Kong. Habituellement, on visite régulièrement nos fournisseurs, mais la COVID-19 nous a forcés à tout faire à distance. On va bientôt recommencer à aller sur place pour rencontrer nos collaborateurs.

Q. La COVID-19 et les mesures de confinement ont dû avoir un impact sur vos affaires ?

R. Anne-Marie : Oui, bien sûr. Avec la fermeture des restaurants, les gens sont revenus dans leur cuisine. On a enregistré l’an dernier une hausse de 15 % de nos ventes, et la demande reste très forte.

Q. Vous êtes la représentante de la quatrième génération et la première femme PDG chez Trudeau. Qu’est-ce que vous souhaitez réaliser ?

R. Anne-Marie : L’important, c’est d’assurer la pérennité de Trudeau et de continuer à créer de la valeur au Québec avec notre équipe de designers qui nous permet de rayonner dans le domaine des arts de la table partout dans le monde.

Mon ambition est simple : je souhaite doubler la taille de Trudeau. Nous allons mettre sur le marché de nouvelles gammes de produits qui vont avoir de l’impact.

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