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Réussir sa première relation polyamoureuse, grâce aux conseils de polyamoureux

L’amour à plusieurs, ce n’est pas aussi simple que ça. Pour celles et ceux qui aimeraient essayer, mieux vaut suivre quelques conseils. Et les meilleurs pour les prodiguer sont ceux qui ont déjà vécu ces relations.

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Souvent, l’amour, c’est “Toi + Moi”. Puis un jour, comme dans une mauvaise chanson arrivent parfois “tous ceux qui le veulent” (si vous n’avez pas la ref, le clip est là). Et ce jour-là, on peut se trouver démuni. Comment sortir d’un modèle dans lequel on a grandi, qui est souvent celui de nos parents, nos grands-parents, nos idoles et nos copains de classe ? Le couple exclusif est certainement un modèle qui peut fonctionner pour une grande partie de la population. Mais quand arrive la tentation du polyamour (ou de l’anarchie relationnelle), on a parfois besoin de quelques clés. On a demandé à celles et ceux qui l’ont expérimenté, parfois avec succès, parfois moins, quels conseils ils donneraient pour ne pas foirer sa première relation polyA.

Savoir pourquoi on le fait

Quand Renée, intriguée par une amie en couple libre, s’est rendue dans une réunion de polyamoureux·ses, elle trouvait que tous ces gens ne lui ressemblaient pas beaucoup. Jusqu’à ce qu’elle fasse ce rêve : une réunion de polyA où tout le monde est métis. Métis, comme elle. Où tout le monde est comme elle, en fait. C’est un signe, une révélation : “J’ai ressenti ‘c’est ce que je suis’, explique la jeune femme de 34 ans pour qui le polyamour est une identité, une orientation. “Ca dénote une façon de vivre, d’aimer, qui a une incidence sur tout. J'en ai discuté avec une amie qui m'a dit "mais tu sais, quand tu avais 17 ans, tu en parlais déjà.”

Même évidence pour Jean-Baptiste, le même âge, qui ne le pratique que depuis quelques mois. “J'ai le sentiment de l'être depuis toujours, et ça a pourri toutes mes relations monogames”, se souvient la bruxelloise. Pour certains, comme elles, c’est une évidence et dans ce cas, sautez à pieds joints. Pour d’autres, une obligation et dans ce cas… danger !

“Pas mal de personnes se retrouvent embarquées dedans sans avoir complètement le choix”, estime Amélie*, polyamoureuse pendant plus de 3 ans, aujourd’hui en questionnement. J'avais beaucoup lu Simone de Beauvoir, les amours contingentes avec Sartre, ça m'avait semblé follement parlant. Alors j’ai eu l’impression de mettre en place quelque chose en quoi je croyais depuis un moment mais que je n'avais jamais pu vraiment expérimenter. Paradoxalement, je n'ai jamais vraiment cru en la monogamie et je l'avais dit à plusieurs de mes relations, ado ou adulte, tout en l’étant.” Sauf que ça ne fonctionne pas, ou en tout cas seulement un temps.

A 24 ans, Kendrys est persuadé qu’il faut même “une certaine force” pour se lancer dans une relation polyamoureuse. “Il est important que ce ne soit pas pour camoufler ses fragilités émotionnelles, en allant voir plusieurs personnes parce qu'on ne sait pas ce qu'on veut. Il faut une base assez solide.” L’étudiant et réalisateur vit aujourd’hui dans une relation polyamoureuse avec une relation pivot, et des partenaires secondaires.

“Il ne faut pas se tromper sur les enjeux, abonde Renée, qui se définit aujourd’hui “polyamoureuse dans l’âme, en relation monogame à durée indéterminée”. Avec son ex, ils se sont ouvert au polyamour après une longue relation de plus de 10 ans, avant que tout n’explose. “Oui, j'avais du désir pour d'autres personnes, mais par ailleurs on avait des problèmes et je les fuyais. Si tu es dans l'urgence d'aller ailleurs, il faut se poser deux minutes : c’est parce que tu as fait une rencontre, ou parce que tu as des problèmes structurels ? Savoir pourquoi on y va, ça implique un travail d'introspection exigeant.”

C’est aussi le premier conseil que donne Raphaël, 23 ans, qui lui aussi vit avec une relation pivot et d’autres relations secondaires. “Ce n'est pas parce que tu es en couple et que tu rencontres quelqu'un que tu es forcément polyamoureux. Prends le temps de réfléchir, de te questionner, seul. Il faut déjà se connaître pour savoir si c'est ce qu'on veut pour soi-même avant de l'exposer à quelqu'un d'autre.”

Ne pas se sentir forcé (et ne pas forcer l’autre)

Amélie vit dans un milieu lesbien, militant, anarchiste. Et pour elle, difficile de reproduire le schéma papa-maman (même si c’est avec maman-maman) sans passer pour un suppot du système. “J’ai l'impression que dans mon milieu, c'est devenu un peu nécessaire, ou en tout cas présenté sans énormément de recul, comme une façon de lutter contre le système hétéropatriarcal. Je me souviens du festival Sortir de l'hétérosexualité, il y avait une série de propositions, et "être en relation non exclusive" en faisait partie, comme si la relation non exclusive était forcément libératrice et révolutionnaire et pas porteuse en elle d'autres d'autres formes de dynamiques de pouvoir.” Sauf que ces dynamiques de pouvoir, chez les polyamoureux, existent aussi. Elles sont simplement différentes. En plongeant tête baissée, Amélie a écouté ses idéaux politiques, mais pas forcément ses besoins émotionnels. Et aujourd’hui, elle remet tout en cause.

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Kendrys aussi sent bien qu’il était plus prêt que son copain. “C’est un peu ça le couple, impacter l’autre”, reconnaît-il, estimant qu’il faut aussi faire la différence entre proposer, et imposer. “Il faut faire attention à ne pas l'emmener dans une direction contraire à son intériorité, imposer sa vision relationnelle.”

Raphaël ne pourrait pas mieux dire, lui l'extravagant aux multiples rencontres, alors que sa copine est plus discrète. Quand il a rencontré une autre partenaire, il y a deux mois, sa chérie ne se sentait pas prête. Ils ont beaucoup discuté, et il la remercie de l’avoir suivi, tant que ce n’est pas à tout prix. “Une rupture n'est pas forcément une mauvaise chose. Si la personne qui reçoit cette proposition pense pouvoir essayer, très bien. Mais si elle ne le sent pas, il ne faut en aucun cas créer du ressenti, car ça créé une relation déséquilibrée avec de la souffrance, ça finit toujours mal, estime-t-il. A l’inverse, la personne qui se sent polyamoureuse ne devrait pas se retenir et sacrifier ce pan de sa personne pour quelqu'un qu'elle aime, pour la même raison : ça ne marchera pas.”

Alors oui, c’est dur à admettre, mais parfois, il faut simplement reconnaître que ce n’est pas pour nous, et que si les deux partenaires n’ont pas la même vision des relations… eh bien tant pis. “Quand je rencontre quelqu’un qui ne partage pas ma vision, on se voit une fois, ou bien on devient un ami”, philosophe Jean-Baptiste.

Discuter. Et discuter encore (mais bien).

Si le dialogue est la base du couple, c’est l’essence de la relation polyamoureuse. “C’est important dans toutes les relations, résume Raphaël, mais comme on ne peut pas faire sans dans les relations poly, c'est encore plus présent.” Présent, mais pas toujours évident, alors il faut parfois se forcer. “Ma règle, c'est que quand tu veux parler d'un truc et que l'autre se dit que ça va être compliqué... alors c’est qu’il faut en parler”, détaille Kendrys. Lui a ouvert son couple au polyamour il y a quelques mois, et il se rend bien compte qu’il y a beaucoup de schémas à revoir. “Mon copain actuel a toujours connu des schémas hétéronormatifs, j'ai un peu bousculé tout ça. Il a fallu réfléchir à des questions comme la jalousie, qui n'est pas une démonstration d'amour mais une démonstration d'insécurité ou de manque de confiance en soi."

Et pour discuter, encore faut-il bien discuter. “Pour moi, c'est avant tout être à l'écoute de l'autre, estime Raphaël. Il faut prendre le temps non pas de juste donner son point de vue et dire ce que l'on ressent, mais aussi essayer de comprendre les peurs et angoisses de l'autre.”

Enfin, n’allez pas croire qu’il suffit de tout se dire pour que ça glisse. Les mots, ça se pèse. “L'idée n'est pas de revenir à un mode de couple bourgeois de 1950 ou tout le monde se trompe sans jamais rien dire, mais il peut y avoir d'autres modalités qui fonctionnent”, tempère ainsi Amélie. Par exemple "on n'est pas obligés de se parler de tous nos plans cul mais quand ça devient sérieux si", ou "je veux être là pour t'aider en cas de rupture, ou à l'inverse je ne peux pas".” Pour Jean-Baptiste, au contraire, ce nouveau type de relation a été une chance : “en relationnant avec des personnes habituées au polyamour, c'est plus facile de parler de tout, très vite, tout le temps.” Il s’enthousiasme : “Pouvoir demander à un amant des conseils par rapport à ma relation avec un autre amant, c'est trop bien.”

“J'ai l'impression qu'on a fait de la transparence absolue une valeur en soi, prévient Amélie. Mais pour certains, c'est trop insécurisant d'entendre parler de certains sujets, à un moment de leur vie ou pour toujours.” Fixez-vous vos limites. Ainsi, pour Raphaël, “je pense que c'est bien de communiquer les grandes lignes, par exemple "qui", ou combien de personnes, ne serait-ce que si on se rencontre un jour. Mais je n'ai pas envie de connaître les tenants et aboutissants d'une autre relation.” A vous de savoir ce que vous pouvez entendre sans que cela ne créé de malaise… Et d’entendre ce que votre partenaire est prêt·e à recevoir.

A chaque relation de trouver ses règles et de définir ce qui doit être dit ou non. Mais pour ça, il faut commencer par parler, ne serait-ce que pour savoir de quoi il ne faut pas parler.

Poser des limites

Renée, qui vit actuellement en relation monogame, sait qu’elle retournera un jour au polyamour. Mais pas n’importe comment, ni à n’importe quel prix. “La première fois, j'y suis allée comme une gamine dans un magasin de bonbons, je voulais tout manger. J'aime les hommes. Aujourd'hui, je vois des mecs très intéressants mais je sais me raisonner et me dire "là, qu'est-ce qui compte ?" Il n'y a pas de problème à aller voir ailleurs, mais dans quel périmètre, et avec quelles intentions ?”, interroge la jeune femme qui veut y revenir “en pleine conscience, en se demandant ce qui est important, ce qui l'est moins”.

“Il faut aussi se demander comment on peut avoir 4 relations en même temps, alerte Amélie. Quel temps on accorde à qui ? Et est-ce qu'il nous reste du temps pour les amis, pour soi ? Il y a parfois un côté collectionnite. Si le terme "polysaturé" existe, c'est parlant non ?”

L’objectif du polyamour n’est donc pas d’accumuler les conquêtes, mais bien de laisser la place à chacune d’entre elles pour s’épanouir. Et pour ça, il faut éviter que sa vie amoureuse ne ressemble à une chasse au trésor.

“J. [son ex, ndlr] est resté jusqu’au bout, il s'est abimé de fou, il m'a abimé, et je n'ai pas su dire stop”, se souvient de son côté Renée pour qui sa première relation polyamoureuse a été complexe justement à cause de cette absence de limite. “Savoir dire non est hyper important, mais aussi savoir recevoir un non. Mon problème, c'est que je ne savais pas très bien. J'avais tellement envie de mon truc, j'en suis devenue égoïste, et j'ai fait des trucs pas ok.” Elle conclut, philosophe : “Les limites sont plus importantes que le désir, car on s'abîme moins en écoutant ses limites qu'en suivant ses désirs.”

Faire preuve de souplesse

L’avantage de la discussion, c’est qu’elle permet de faire évoluer les règles. Au moment présent, aux envies de chacun, pour que les relations restent le plus fluides possibles. “Il peut y avoir des règles, mais il ne faut pas se dire "si tu franchis celle là, c'est irréparable", pense Kendrys. Ce ne sont pas tant des règles, mais les limites de chacun, et ces limites peuvent bouger.”

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A un moment de la relation, on peut s’autoriser à aller voir ailleurs une nuit, mais les vacances restent avec le·la partenaire principal·e. Ok pour un week-end, mais pas pour l’anniversaire de belle-maman. Et à un autre, tout ça doit changer, parce que la relation en elle-même a changé. Kendrys : “C'est un difficile rapport de tectonique des plaques sentimentales. Le mouvement se fait très lentement et dans une certaine forme de cohérence et de douceur, mais parfois ça peut frictionner, il peut y avoir des séismes émotionnels ou relationnels. Donc il faut préparer la relation à ça, et ça se fait à deux. C'est ça le plus important.”

Etre organisé

Enfin, quand vos relations commencent à s’installer, n’oubliez pas que vous avez, en face, des êtres humains. Avec des attentes. Et donc, un besoin d’un minimum d’attention.

“Un des gros travers des poly, c'est la dispersion, concède Renée. Et c'est le mien à la base. Donc j'apprends à me concentrer, à ne pas avoir peur de l'ennui, du temps qui passe, du silence.”

Ne vous précipitez pas, et pensez à laisser à chacun·e l’espace qu’il ou elle mérite. Amélie le reconnaît,le plus dur à gérer dans les relations polyamoureuses, c’est l’emploi du temps. “Tout le monde a ses techniques, calendrier partagé, dates fixes en début de semaine avec machine et fin avec bidule, etc.”, détaille-t-elle.

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Toutes ces étapes passées, vous voilà prêt•e à vous investir dans de nouvelles relations, en gardant la tête sur les épaules. Le polyamour n’est pas la solution à toutes nos difficultés amoureuses, simplement une autre voie. “Mes besoins affectifs sont rarement comblés, concède Jean-Baptiste. Mais j'ai des amis avec qui je fais des câlins et ça en remplit une partie. Et puis, ce n’était pas mieux en relation monogame.”

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