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Premiers acheteurs Comment affronter un marché explosif

Avec un marché immobilier en surchauffe, est-il possible pour un premier acheteur d’accéder à la propriété ? Que font ceux qui habitent à Toronto et à Vancouver, où le prix médian d’une propriété dépasse le million de dollars ? Combien d’années doit-on économiser pour devenir propriétaire ? Des experts de Toronto et d’ici nous éclairent.

Publié le 14 mars 2021Isabelle Dubé La Presse

5 trucs pour devenir propriétaire

Avec son faible taux de propriétés à vendre et une surenchère marquée pour les propriétés d’entrée de gamme, le marché immobilier actuel est sans aucun doute anxiogène pour les premiers acheteurs. Voici cinq trucs pour vous aider à devenir propriétaire.

Profiter d’un programme du gouvernement fédéral

Le régime d’accession à la propriété (RAP) est bien connu. Il permet de retirer des sommes de vos régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) pour acheter ou construire une maison. L’Incitatif à l’achat d’une première propriété (IAPP), créé en 2019, l’est moins, mais peut devenir l’allié de bien des premiers acheteurs, soutient Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert en gestion de patrimoine pour la gestion privée de la Banque Laurentienne.

« C’est comme si le gouvernement fédéral achetait avec vous votre propriété et devenait copropriétaire, explique-t-il. L’acheteur doit avoir réussi à accumuler 5 % de mise de fonds, et le gouvernement ajoute 5 %. Évidemment, on ne peut pas acheter une maison de 1 million de dollars. Il y a une limite. »

Votre emprunt total ne doit pas dépasser quatre fois votre revenu annuel, qui lui peut s’élever jusqu’à un maximum de 120 000 $ par année. Le but du programme IAPP est de réduire les paiements mensuels ou bihebdomadaires de l’hypothèque du premier acheteur. Le montant de la mise de fonds peut provenir d’un RAP.

« La journée où vous vendez, le gouvernement fédéral prendra 5 % de la nouvelle valeur de la propriété. Si vous gardez la maison plusieurs années, vous devrez rembourser les 5 % de la valeur courante 25 ans après son achat », explique-t-il.

Être créatif et réaliste

Dans les villes canadiennes, où le prix médian d’une maison individuelle dépasse le million de dollars, les premiers acheteurs doivent être encore plus déterminés que ceux de la grande région montréalaise pour accéder à leur rêve. C’est pour cette raison que le Torontois Sean Cooper, courtier hypothécaire chez burnyourmortgage.com et auteur du livre Burn Your Mortgage (Brûlez votre hypothèque), leur suggère d’être créatifs et réalistes.

« Être créatif, c’est faire tout ce qu’il faut pour économiser le plus d’argent possible pour la mise de fonds de votre future maison. Si vos parents peuvent vous en offrir une partie, ça peut aider, mais tout le monde n’a pas cette chance. Vos parents pourront peut-être cosigner s’ils ne sont pas en mesure de vous offrir de l’argent », soutient celui qui a acheté sa première maison alors qu’il n’avait que 27ans, et ce, sans l’aide de ses parents, mais en s’imposant une discipline d’épargne olympienne. Sean Cooper a aussi réalisé l’exploit de rembourser son hypothèque en seulement trois ans.

« Se fixer des attentes réalistes signifie que vous utilisez votre première maison comme tremplin vers la maison de vos rêves. Vous ne pouvez probablement pas vous la permettre tout de suite, cette maison de rêve, mais en planifiant, il est possible qu’un jour vous réussissiez à l’acheter. »

Faire une offre valide quatre heures

Si les vendeurs favorisent la surenchère en donnant une date et une heure butoirs pour recevoir toutes les offres en même temps, certains acheteurs peuvent tenter de leur côté d’offrir une somme plus élevée que le prix affiché, mais en ne donnant que quatre heures aux vendeurs pour accepter l’offre. Cette stratégie fonctionne avec des vendeurs qui n’ont pas envie de voir défiler dans leur maison une quarantaine de visiteurs en plus d’avoir à gérer les offres multiples, ou avec ceux qui ont déjà acheté une maison et sont stressés.

Premiers acheteurs Comment affronter un marché explosif

Les premiers acheteurs doivent absolument avoir une préapprobation hypothécaire d’une institution financière avant de commencer leur magasinage.

Que ce soit lors d’une offre valide quatre heures ou d’une participation à une surenchère, il est primordial de garder la tête froide.

« Il faut être raisonnable et ne pas être tenté d’offrir 200 000 $ de plus que ce que vaut la propriété, prévient Micheline Lapierre, du Groupe Garcia & Lapierre S.E.N.C. Quand la propriété est vendue trop cher, la banque peut refuser le financement après avoir évalué la maison. »

Gravir les échelons de la propriété

Les premiers acheteurs canadiens qui peuvent acheter une maison individuelle au prix médian de 1,3 million à Toronto et de 1,7 million à Vancouver sont rares. Les experts leur suggèrent donc de commencer par acquérir une propriété plus modeste, comme un condo ou une maison en rangée d’entrée de gamme.

« L’achat d’une maison de 1 million de dollars est une question de planification. À moins d’avoir un bon revenu de plus de 150 000 $ et une mise de fonds importante, il peut être difficile de se qualifier pour emprunter suffisamment d’argent pour s’offrir ce type de maison », soutient le Torontois Sean Cooper.

« Je suggère donc d’acheter une maison de départ et d’accumuler suffisamment de capitaux jusqu’à ce que vous puissiez vous permettre d’accéder au marché des propriétés plus chères. Il est beaucoup plus facile d’acheter une maison de 1 million de dollars avec une mise de fonds de 35 % ou plus. »

« Le marché, ici, au centre-ville de Toronto est complètement fou pour les maisons clés en main. Des prix records sont atteints chaque semaine », affirme de son côté Alex Beauregard, courtier immobilier chez Sutton Group-Associates Realty. « Pour l’instant, les accédants à la propriété ont de meilleures chances sur le marché plus lent de la copropriété. »

Déménager dans une lointaine banlieue

Sean Cooper et Alex Beauregard constatent que les premiers acheteurs se rabattent depuis quelques années vers la banlieue. Certains déménagent même jusqu’à 100 km de leur lieu de travail.

Au Québec, les premiers acheteurs de la grande région de Montréal optent maintenant pour la deuxième et même la troisième couronne, avec des villes comme Joliette, Sorel, Marieville, Saint-Antoine-sur-Richelieu, Contrecœur et Saint-Jérôme.

Or, avant de choisir de s’établir aussi loin, les acheteurs doivent calculer le temps de trajet vers le lieu de travail, le coût en essence et en entretien du véhicule ou encore le coût des transports en commun… À moins de changer d’emploi ou de prévoir de passer le restant de sa vie professionnelle en télétravail.

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Combien d’années avant de pouvoir acheter ?

En voyant les prix grimper en flèche, vous désespérez de pouvoir devenir un jour propriétaire ? Nous avons demandé à Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert en gestion de patrimoine pour la gestion privée de la Banque Laurentienne, de calculer en combien de temps un diplômé universitaire pourrait réussir à s’acheter une propriété sans s’astreindre à manger des pâtes tous les jours.

Pour les fins de l’exercice, nous avons choisi le cas fictif d’un finissant universitaire qui vient de décrocher un poste dans la fonction publique et qui aura donc un revenu assez stable tout au long de sa vie. Ce finissant pourrait être, par exemple, un enseignant, dont le revenu annuel démarre à environ 46 000 $.

C’est à partir d’un budget type établi par l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) de la Rive-Sud que Pierre-Raphaël Comeau a élaboré ses scénarios. Selon les données de l’ACEF, quelqu’un qui commence sa carrière après ses études universitaires consacre en moyenne 100 $ par mois à l’épargne.

La course à la mise de fonds de 5 %

À ce rythme, il faudra donc 125 mois, soit plus de 10 ans, à ce finissant pour accumuler la mise de fonds pour une propriété de 250 000 $. Or cette somme se retrouve loin derrière les prix médians actuels de 690 000 $ à Montréal, de 465 000 $ à Laval et de 475 000 $ sur la Rive-Sud.

En prévoyant d’acheter à deux, les finissants mettront 100 mois, soit plus de 8 ans, à économiser la mise de fonds de 20 000 $ dans le but d’acheter une propriété de 400 000 $. Il y a fort à parier que les prix auront encore grimpé d’ici là.

Évidemment, si les deux nouveaux enseignants décident d’appuyer à fond sur l’accélérateur de l’épargne, en évitant d’avoir un gros prêt auto et des dettes de cartes de crédit, ils pourraient devancer l’échéance. En épargnant chacun 500 $ par mois, grâce par exemple à l’hospitalité de leurs parents, ils pourraient obtenir leur mise de fonds de 20 000 $ en seulement 20 mois, soit 1 an et 8 mois.

« Le meilleur véhicule financier pour ce type d’épargne est le CELI en attendant d’atteindre un palier d’imposition qui vaut la peine pour un REER », conseille Pierre-Raphaël Comeau.

Dans ce cas de figure, on ne parle pas d’un finissant universitaire qui a une dette d’études. Selon les plus récentes données disponibles de Statistique Canada, 50 % des diplômés québécois qui obtiennent un baccalauréat terminent leurs études avec une dette qui s’élève en moyenne à 16 000 $. Avec un tel fardeau, le projet d’acheter une propriété est reporté de plusieurs années. À moins bien sûr de pratiquer l’épargne extrême comme le Torontois Sean Cooper qui a réussi à s’acheter une maison deux ans après avoir obtenu son diplôme universitaire et à rembourser son hypothèque en trois ans.

Le vrai test

En progressant dans son analyse, le conseiller expert en gestion de patrimoine a constaté que la mise de fonds n’est pas le principal obstacle à l’accès à la propriété. « Même si un finissant obtient sa mise de fonds au complet en cadeau de ses parents, ce que les courtiers appellent le love money, il aura quand même besoin d’un revenu annuel suffisant pour payer son hypothèque », souligne-t-il.

Le premier acheteur doit donc réussir avec succès le test de résistance afin d’obtenir du financement d’une institution financière.

Pour déterminer si un emprunteur a les moyens d’acheter une habitation, les prêteurs hypothécaires utilisent, entre autres, le rapport d’amortissement brut de la dette (ABD). Il correspond au pourcentage du revenu mensuel du ménage consacré aux frais de logement et ne doit pas dépasser 32 %.

Si un jeune enseignant souhaite acheter seul avec les taux d’intérêt actuels de 2,09 %, il pourra s’offrir une propriété de 400 000 $ dans 14 ans, une propriété de 350 000 $ dans 11 ans, une de 300 000 $ dans 6 ans et une plus raisonnable à 250 000 $ dans 4 ans.

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert en gestion de patrimoine pour la gestion privée de la Banque Laurentienne

À deux cependant, le rêve devient réalité beaucoup plus rapidement. Avec un taux d’intérêt de 2,09 %, les deux jeunes employés de la fonction publique auront besoin d’un revenu annuel total de 78 638 $ pour acheter une propriété à 400 000 $, ce qui, en théorie, est possible dès l’embauche, mais devront aussi remplir la condition d’avoir été en poste depuis deux ans.

Même si le taux d’intérêt grimpe à 4,09 % et que le revenu annuel total exigé bondit à 93 938 $, ils se qualifieront encore pour obtenir du financement après deux ans de service. Dans tous les cas, ils doivent avoir la mise de fonds de 5 %.

« Le prix des maisons a monté très vite, ce qui fait que la mise de fonds est certes importante, mais le revenu annuel pour supporter l’achat l’est encore plus que jamais, observe Pierre-Raphaël Comeau. Le marché actuel fait aussi en sorte que les premiers acheteurs doivent concentrer leur désir d’achat en fonction de l’espace dont ils ont vraiment besoin. S’ils veulent une maison de 400 000 $, les premiers acheteurs auront probablement besoin de deux revenus pour la financer. »

En tenant compte des salaires annuels reliés à leur poste, deux nouveaux enseignants qui réussissent à économiser 500 $ par mois pourraient espérer acheter une propriété de 400 000 $ quatre ans après avoir terminé leurs études… À moins d’être encore en train de rembourser leurs dettes d’études.

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