Acheteurs de « plex » sous pression | La Presse
Le marché est de plus en plus occupé par les investisseurs
Publié le 17 oct. 2021Yvon Laprade Collaboration spécialeÀ vendre : 899 000 $. Duplex situé rue Saint-Vallier, au cœur de La Petite-Patrie. Rénové. Année de construction : 1900. Revenus bruts potentiels : 33 780 $ par année.
Un rêve encore réalisable, l’achat d’un petit immeuble à revenus ?
« Oui, c’est possible, résume le courtier immobilier David Tardif, chez Royal LePage. Mais il faut être solide financièrement pour être compétitif face aux autres acheteurs au moment de déposer l’offre d’achat. »
Et qui sont ces « autres acheteurs » ?
« Il y a de plus en plus d’investisseurs qui achetaient de gros immeubles à revenus et qui sont maintenant au rendez-vous, explique-t-il. Il faut comprendre qu’ils [les investisseurs] calculent que les petits immeubles sont plus faciles à acheter et à revendre qu’un immeuble de 25 logements. »
Résultat : un jeune couple qui aspire à devenir propriétaire occupant – et qui entend louer le logement situé au deuxième étage, dans le cas d’un duplex – fait face à des « compétiteurs » qui n’ont pas les mêmes intérêts et, surtout, qui sont présents dans le marché à des fins spéculatives.
« Ça fait monter les prix, c’est certain, constate le courtier. Et les immeubles mis en vente à 800 000 $ sont loin d’être des clés en main ! Il m’arrive de dire à mes clients : “Es-tu bien certain de vouloir acheter ça ?” »
Prix médian d’un petit immeuble à revenus
Région métropolitaine de Montréal : 690 000 $ (+ 13 %)
Au Québec : 434 000 $ (+ 3 %)
Source : Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ), septembre 2021
Une bonne affaire
En dépit de la hausse de prix dans ce segment de marché, le courtier Daniel Murphy, chez Sutton, maintient pour sa part que « ça reste une très bonne affaire ».
Il ne s’étonne plus de voir un duplex « en bonne condition » se vendre 900 000 $, et bien au-delà de cette somme, dans les quartiers centraux de Montréal.
« Mais le plus grand défi, concède-t-il, c’est de trouver le bon immeuble, au bon prix. Je dis à mes clients qu’ils doivent faire un achat en analysant [leur capacité de payer] sur un horizon plus large, en misant sur le plus long terme. »
Encore faut-il parvenir à remporter la mise lorsque la propriété est convoitée par une dizaine d’acheteurs potentiels…
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« J’ai conseillé un couple qui a fait 13 offres d’achat avant d’y arriver, donne-t-il en exemple. Je suis actuellement en démarche d’acquisition avec un autre couple qui a visité 10 petits immeubles sans succès. »
On peut deviner que la présence des investisseurs en série dans ce marché en croissance est l’une des causes de ces insuccès.
L’investisseur n’a pas besoin de tomber en amour avec l’immeuble ; pour lui, la décision d’acheter est stratégique. À l’opposé, l’acheteur individuel fait un choix souvent émotif. Il veut habiter la maison.
Daniel Murphy, agent immobilier chez Sutton
Acheteurs motivés
Très active dans la banlieue sud de Montréal, la courtière immobilière Alexia Alessandra Carosella, chez ReMax, confirme que ce marché gagne en popularité depuis le début de la pandémie.
« Les acheteurs sont âgés de 30 à 50 ans, observe-t-elle. Ils jugent que c’est le bon moment d’investir. » La courtière parle d’une clientèle avisée « qui fait des choix éclairés ». Mais elle s’empresse d’ajouter qu’un tel achat ne doit pas se faire à l’aveuglette.
« Il faut éviter de tomber en amour avec l’immeuble, fait-elle valoir. Il y a plusieurs éléments à considérer avant d’aller de l’avant. »
Elle ajoute : « Quand vient le moment de déposer une offre d’achat, il ne faut surtout pas négliger l’aspect des revenus que vont générer les logements qu’on va louer pour réduire les versements hypothécaires. »
Une de ses clientes a, semble-t-il, adopté la bonne stratégie en gardant la tête froide. « Il y a six ans à peine, dit-elle, je l’ai accompagnée pour l’achat d’un premier plex. Tout dernièrement, elle a acheté sa dixième propriété à revenus ! Elle s’est constitué un portfolio immobilier à la vitesse de l’éclair avec une stratégie axée sur la plus-value de ses immeubles. C’est impressionnant. »
Prudence !
Il faut toutefois retenir, relève de son côté Charles Brant, directeur, analyse de marché, à l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ), que le prix des « plex » est « extrêmement élevé », particulièrement dans les quartiers centraux de Montréal.
« Dans ce cas, la rentabilité devient plus difficile à trouver, expose-t-il. Et il y a des immeubles d’un certain âge qui demandent des rénovations. Il faut également s’assurer de la stabilité des sols. »
Il maintient tout de même que « pour le propriétaire occupant, il s’agit d’un bon type de propriété, qui offre une certaine polyvalence ».
Ça offre la possibilité de loger la famille sous un même toit. On peut occuper le plex, on peut le louer, on peut éventuellement le transformer en maison unifamiliale, si la réglementation municipale le permet.
Charles Brant, directeur, analyse de marché, à l’APCIQ
Sur cette question, Charles Brant observe qu’il est plus facile de transformer les plex à l’extérieur de l’île de Montréal, ce qui constitue « un avantage pour les acheteurs qui ont de telles visées ».
C’est sans compter les prix demandés par les vendeurs, nettement moins élevés dans les marchés situés en périphérie. « Il y a encore des écarts importants, relève-t-il, mais ils ont tendance à rétrécir en raison de la demande qui va en augmentant. »
Un rêve encore accessible, l’acquisition d’un petit immeuble à revenus à l’heure actuelle ?
« Oui, c’est un investissement qui a du sens, conclut l’analyste de marché. Avec la vigueur du marché locatif, ça reste un type de propriété qui offre beaucoup d’attraits. »
Ce que semblent avoir compris les investisseurs qui s’activent dans ce marché… au détriment des acheteurs individuels.
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