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Piochez dans la règle de saint Augustin pour goûter au bonheur !

Brève, simple, pratique, la Règle de saint Augustin, qui est la plus ancienne règle monastique, peut-elle changer sensiblement le quotidien de chacun ? Certainement. Elle donne des clés pour mieux vivre ensemble, qu’il s’agisse de la vie religieuse, conjugale, familiale, sociale ou professionnelle.

« Je suis convaincu que lorsqu’il s’est mis à écrire la Règle, saint Augustin a non seulement pensé aux religieux mais également aux couples, aux familles, à la société et tant d’autres, » estime François-Marie Humann, le père abbé de l’abbaye de Mondaye (Calvados) qui vit lui-même selon cette règle en tant que moine de l’ordre des Chanoines Réguliers de Prémontré. Pour l’auteur de Règle de saint Augustin : texte intégral et commentaire, « la vie religieuse comme toute autre vie chrétienne est, chacune à sa manière, le déploiement d’un baptême ». Aussi, pour lui, « la Règle de saint Augustin s’adresse d’abord aux baptisés car il s’agit d’apprendre à vivre pleinement du baptême ».

Nette et précise, cette première règle monastique d’Occident, écrite en 397 est très pratique. Se déclinant en huit chapitres, elle prône un modèle de vie inspiré de celui de la première communauté chrétienne de Jérusalem telle qu’elle est décrite dans le livre des Actes des Apôtres (4, 32). Elle insiste sur la charité fraternelle inspirée du double commandement de Dieu : celui de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain, inséparables l’un de l’autre : « Avant tout, Vivez unanimes à la maison, Ayez une seule âme et un seul cœur tournés vers Dieu. Et puis, qu’on n’entende pas parler parmi vous de biens matériels, mais qu’au contraire tout vous soit commun » (Règle, chapitre I, 2-3).

Pour le frère Humann, la Règle est finalement « une manière de vivre l’Évangile en prêtant attention à certains de ses aspects. Elle rejoint tout baptisé dans sa dimension relationnelle car pour saint Augustin, la sainteté passe par la vie ensemble où chacun veille sur l’autre », conclut-il.Découvrez les six conseils clés de la Règle de saint Augustin :

Voir l’autre comme un « temple de Dieu »

Pour saint Augustin tout commence avec l’effort d’être dans l’unité des cœurs, nécessaire dans toute relation fraternelle au quotidien : entre frères moines et leur supérieur, mais de la même manière entre parents et leurs enfants, entre époux, amis ou collègues… L’unité des cœurs exige l’ajustement permanent des uns aux autres. Pour que cela soit réel, il faut que chacun se voit et voit l’autre comme un « temple de Dieu » : « Vivez donc tous dans l’unité des cœurs et des âmes, et honorez les uns dans les autres ce Dieu dont vous êtes devenus les temples ». Être à l’écoute de l’autre, se montrer attentif à ce qu’il dit, compatir à ses peines ou se réjouir avec lui de ses réussites, c’est pratiquer l’hospitalité réciproque qui mène vers l’unité des cœurs.

Vivre ensemble l’amitié avec Dieu

C’est précisément ce que saint Augustin fait lorsqu’il devient évêque. Expérimentant une tension trop forte entre sa nouvelle vie d’évêque et celle de la communauté, il prend une décision fondatrice de quitter le monastère du jardin pour former un monastère à l’évêché avec un même esprit, mais vécu au quotidien différemment. Pour saint Augustin la vie commune peut prendre des formes bien différentes. L’essentiel est de se centrer sur le bien commun qui ne peut résider qu’en Dieu seul. Dans La Vie heureuse, saint Augustin demande : « Suffit-il d’avoir ce que l’on veut pour être heureux ? » Sainte Monique, sa mère lui répond : « Si c’est le bien que l’on veut et que l’on a, on est heureux ; mais si c’est le mal, on a beau l’avoir, on est malheureux. »

Piochez dans la règle de saint Augustin pour goûter au bonheur !

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Vivre heureux, c’est vivre ensemble l’amitié avec Dieu sur le mode de la libre soumission à Dieu, le seul bien commun « valable ». C’est donc Dieu qu’il faut posséder pour être heureux, dit saint Augustin. Dans la vie monastique comme, par exemple, dans la vie conjugale. Les épreuves, les années qui passent, l’évolution de chacun forment souvent des obstacles de plus en plus infranchissables pour être unis et heureux. À moins que les époux confient directement leur couple au Christ et qu’ils acceptent de vivre au quotidien sous son regard.

Partager des biens matériels en toute humilité

Selon saint Augustin, l’hospitalité réciproque est nécessairement vécue à travers une dimension matérielle. Pour lui, la vie commune signifie le partage des biens mis en commun et redistribués en fonction des besoins. Inspirée du modèle de vie des premiers chrétiens, ce principe demande un double travail, à la fois social et spirituel : la dépossession et l’humilité : « Le riche doit se défaire de ses richesses, mais aussi de l’orgueil qu’il peut éprouver d’avoir été riche ; le pauvre doit se défaire de son désir de richesse, mais aussi de l’orgueil d’être maintenant dans une bonne situation ». Les tâches matérielles et les services quotidiens deviennent alors le lieu d’une hospitalité exercée à tour de rôle : l’un s’occupe de la cuisine, l’autre de la prière, un autre encore de la lessive… Et si le secret pour mieux vivre était dans cet amour qui accompagne chaque instant du quotidien, aussi pénible soit-il ? Dieu se révèle justement à travers toutes ces petites choses qui s’y vivent au quotidien.

Tisser des liens pour que chacun trouve sa place

Toute tâche quotidienne permet de vérifier l’attention à l’autre. Les frères doivent être attentifs à la singularité de chacun d’entre eux et à accueillir leurs différents besoins. Selon saint Augustin, l’idéal de la vie commune s’incarne dans le souci permanent de ne pas surcharger les plus fragiles. Celui qui ne peut pas rester à jeun jusqu’au soir, comme celui qui est de santé fragile doivent être au centre des préoccupations des moines. Pour y parvenir, un discernement constant par rapport à l’autre et à soi-même est essentiel. Car c’est la justesse de la relation qui est en jeu : Les frères fragiles « doivent être traités d’une façon non moins appropriée » comme les frères solides, « il ne faut pas que tous veuillent recevoir ce qu’ils voient accorder à quelqu’un”. Pourquoi jalouser le bien d’un autre, dès lors que l’on a ce qu’il nous faut ?

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Corriger l’autre fraternellement

Cependant, il y a des situations où l’attention à l’autre exige le contraire. Les manquements à la vie commune demandent la correction fraternelle. Elle ne consiste pas à analyser le comportement de l’autre, mais à y rester attentif, toujours dans l’esprit de « l’unité des cœurs ». Ne pas le mettre en garde c’est se désintéresser de lui, c’est ne plus l’accueillir comme celui avec qui l’unité de cœur est recherchée. Souvent, il arrive que celui qui est repris s’afflige au moment même. Il résiste, il conteste, mais ensuite il repasse en silence, avec lui-même, ce qu’il vient d’entendre, il le repasse quand il n’y a plus que Dieu et lui… Il ne craint plus de déplaire aux hommes en se corrigeant, mais il craint de déplaire à Dieu en ne se corrigeant pas.

Persévérer dans la charité

On pourrait ne faire de la Règle qu’un art de l’équilibre des relations humaines et de l’attention à l’autre. Mais chez saint Augustin, cette attitude est soumise à l’injonction de l’amour. L’amour est au centre de sa pensée. Il désigne ce qui met l’âme en mouvement, ce qui lui donne force et vie, en la conduisant vers son « lieu naturel »: « Ma pesanteur, c’est mon amour » (Confessions, XIII, 9). Il est aussi l’essence de toutes les vertus et de la perfection à laquelle elles tendent. Saint Augustin les fait culminer dans la charité, forme suprême de l’amour puisque, se donnant sans réserve, la charité s’assure la possession du Bien suprême.

La charité s’exprime dans le commandement du Christ : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn, 13, 34). Le moteur de la vie commune est là : dans le don de l’Esprit de qui procède la charité. Chacun accueille Dieu en accueillant l’autre. Cette hospitalité de Dieu lui-même est la réconciliation, le signe d’une véritable unité. La joie d’être unis est le fruit d’une charité, d’un amour réciproque, qui est donné par Dieu. C’est bien cette soif de l’amour véritable qu’évoque la célèbre formule de saint Augustin : « Je n’aimais pas encore, mais j’aimais aimer » (Confessions, XIII, 9).

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