Le « döstadning », ou l’art de ranger sa vie avant sa mort
#Société#Santé
Préparer sa mort en faisant le grand ménage : triste à pleurer, cyniquement pragmatique ou simplement réaliste ? « Il n’y a rien de triste à préparer sa mort, répond Margareta Magnusson, théoricienne du « döstadning », le ménage pré-mortem. Mettre ses affaires en ordre est un ultime geste d’élégance envers ceux qui vous aiment. » Décryptage.
Sarah Boucault- 26 janvier 2022#Société#Santé« Quand on meurt, ça donne du souci aux gens, la moindre des choses c’est de ranger avant », fredonne la chanteuse GieDré, adepte d’humour noir. C’est exactement ce que préconise la Suédoise Margareta Magnusson dans son livre devenu un best-seller mondial : La vie en ordre, L’art de ranger sa vie pour alléger celle des autres (Flammarion, 2018).
En France, causer post-mortem relève de l’indécence. Les conventions s’appliquent plutôt à faire taire les rabat-joie. Comme si évoquer la mort, c’était la provoquer, la narguer, voire même l’appeler de ses vœux. Nous restons souvent dans le déni, au cas où l’immortalité nous frapperait. Qui sait ?
Du Marie Kondo pré-mortem ?
Pour Margareta Magnusson, c’est tout l’inverse. Regarder sa mort en face, c’est résoudre moults problèmes. « J’ai vidé tant de maisons après la perte d’êtres chers que je ne souhaite à personne d’avoir à le faire pour moi », insiste-t-elle, avant de rappeler que cette méthode de ménage pré-mortem pratiquée depuis la nuit des temps dans les pays scandinaves a un nom : le « döstädning », qui signifie en suédois « mort » (dö) et « ménage » (städning). « Ce « ménage de la mort » consiste à se délester de tout le superflu et à mettre sa vie et son intérieur en ordre lorsque l’on est à l’hiver de son existence. »
L’autrice a bâti sa propre méthode qui se décline en plusieurs étapes : elle conseillede se débarrasser d’abord des objets à la valeur sentimentale moindre, comme la vaisselle, les vêtements, les meubles, les livres etc. « Je n’ai pas besoin de seize assiettes alors que je ne peux recevoir que six convives à ma table. De la machine à expresso aux blenders ultra-rapides et aux batteries de casseroles de haute technologie, nos cuisines débordent de gadgets dernier cri, et pourtant nous conservons pieusement la vieille cafetière filtre, le fouet et la marmite en fonte. »
Idem pour les livres qui prennent quasiment tous la poussière. Ou les vêtements : « Au lieu de conserver dans la naphtaline vos pantalons de ski, justaucorps de danse et autres combinaisons de plongée, vendez-les ou offrez-les. » Les cadeaux encombrants ? Poubelle ou dons.
Pas touche aux photos de famille !
Viennent ensuite les objets à la valeur sentimentale. L’autrice, née en 1934, raconte que, pour éviter les scènes pénibles entre ses cinq enfants, elle a choisi de vendre un bracelet auquel elle tenait beaucoup. Et enfin, la délicate question des photos de famille. « Je conseille de les garder pour la fin car elles sont porteuses d’une telle charge émotionnelle qu’il est difficile de s’en séparer. »
Margareta Magnussen raconte avoir préparé des enveloppes remplies de photos destinées à ses enfants : « Au dessert, chacun a ouvert la sienne et a sorti calmement son paquet, mais au bout de cinq minutes, ils se les passaient, les échangeaient, les commentaient. » Mettre les souvenirs sur la table, c’est l’occasion de se raconter, de transmettre et d’aborder les non-dits autour du sujet tabou de la fin de vie. « Puisque nous devrons tous, un jour ou l’autre, regarder la mort en face, il est très important de trouver le moyen d’en parler, ouvertement et posément. »
Quant au jardin secret, Margareta Magnussen conseille de mettre toutes ses lettres d’amour ou souvenirs intimes dans une boîte avec une inscription : « A jeter ». « Je sais bien que mes enfants s’empresseront de mettre le nez dedans. Mais ils pourront aussi choisir de ne pas l’ouvrir », précise-t-elle. Une manière subtile de laisser le choix aux proches de s’en emparer… ou pas.
Sarah Boucault- 26 janvier 2022Share on FacebookShare on Twitter
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